L’ADN des vélos
Oui, je concède qu’utiliser le terme d’ADN pour parler des différentes catégories de vélos est un peu osé. Mais, aujourd’hui les commentateurs emploient souvent ce terme pour caractériser aussi bien une voiture, un club de football, une entreprise, que sais-je encore. Alors, j’ai osé tant les vélos peuvent être extrèmement différents selon leur destinée.
Alors, en complément de l’article que je viens de publier sur la géométrie des cadres de vélo de route, je propose aujourd’hui un petit récapitulatif des caractéristiques des vélos en fonction de l’usage auxquels on les emploie. C’est ainsi que je vais aborder successivement les vélos de compétition, de chrono et triathlon, de cyclosport, de cyclotourisme, de cyclo-cross, ainsi que les Gravel, nouveaux venus sur le marché.
1 – Les vélos de compétition
On l’a vu dans l’article précité, ces machines présentent de façon générale les caractéristiques suivantes:
– un angle du tube de direction variant de 70 à 72 °, une douille de direction basse, la potence fixée directement sur le dessus de la douille (sans bague de réhaussement donc), une chasse se situant entre 4.5 et 6 cm, des bases de 405 mm, un angle de tube de selle ressortant dans la fourchette 73/75 °, un ratio stack/reach de l’ordre de 1.44/1.46 en taille M (1.41/1.43 en taille S).
Dès lors, cette catégorie de vélos est élaborée sur la base d’un ensemble cadre/fourche (cette dernière étant plutôt droite) en carbone léger et rigide. L’écart de hauteur entre le haut de la selle et le dessus du cintre est important pour favoriser une bonne position aérodynamique. Les gaines sont intégrées au maximum. Le groupe (ensemble transmission/freins) est haut de gamme, le double plateau de préférence un 53/39 (ou 52/39). Les roues sont en carbone, généralement à boyaux.
Source: http://www.cycles-lapierre.fr/2016/xelius-sl-700-cp
Ces vélos se différencient également selon l’architecture du cadre. Les cadres aux tubes plutôt ronds avec une géométrie classique sont considérés comme polyvalents. Ils sont très intéressants sur tous les types de terrain: parcours sinueux, vallonné, plat, montagne, descente.
D’autres vélos disposent d’un cadre dont les tubes sont larges et affinés pour mieux pénétrer dans l’air. Ces machines aérodynamiques permettent de rouler à grande vitesse. Leur géométrie rappelle celle des vélos de contre la montre.
2 – Les vélos de chrono et de triathlon
Là, on entre dans une toute autre catégorie, un autre monde. L’objectif est d’aller vite, très vite. Intégration et aérodynamisme sont les maître-mots du concept de vélo de clm. Aussi la géométrie du cadre monobloc est plongeante, permettant au coureur, dès lors très incliné vers le bas, d’avoir une bonne pénétration dans l’air.
Au niveau des angles, à titre d’exemple le LOOK 796 Monoblade a un angle de selle de 76.5 °, un angle de douille de direction de 72 °, des bases de 405 mm, et un ratio stack/reach de 0.782, très éloigné de celui des vélos de compétition classiques.
En outre, ces vélos sont équipés de roues hautes en carbone – à partir de 63 mm chez 3T, souvent de 80/90 mm, et même de 105 mm chez Fulcrum par exemple – (avec parfois une roue lenticulaire à l’arrière) et à boyaux.
La spécificité de ces machines en terme de choix technologiques et de matériau, le fait qu’elles sont construites en petites quantités (voire à l’unité pour les vélos de clm sur-mesure des leaders d’équipe) expliquent leur prix élevé.
En plus des indications citées ci-dessus, ce type de vélos présente les caractéristiques suivantes: fourche droite, bases courtes et rigides, cintre intégral très spécifique (de forme S-Bend, R-Bend, droite avec angle, cornes de vache, …), groupe haut de gamme tenant compte des particularités du cintre pour les leviers de frein et les changements de vitesse, selle fine, pédales spécifiques.
3 – Les vélos de cyclosport
On peut dire à peu de choses près que le cyclosport est véritablement né en 1982 avec La Marmotte, épreuve mytique s’il en est, que tout cyclosportif doit avoir fait au moins une fois dans sa vie. Mon propos n’est pas de faire ici l’histoire de ce sport nouveau, mais tout simplement qu’il s’est peu à peu imposé en trouvant sa place entre la compétition traditionnelle et le cyclotourisme. Rapidement, ont émérgés des vélos à la géométrie adaptée à cette pratique. Ni vélo de compétition pur et dur, ni vélo de cyclotourisme tel qu’il était perçu à l’époque, le vélo de cyclosport a pour objectif de permettre d’effectuer de grandes distances (entre 150 et 200 kms, généralement), au sein d’une course (car les épreuves sont chronométrées, avec classements). Ce vélo doit offrir de bons compromis entre rendement et confort. Les vélos de cyclosport sont donc polyvalents. Ils se rapprochent des vélos de compétition, mais avec un niveau moindre de rigidité. Attention au cadre « bout de bois » !
Parlons maintenant un peu de géométrie. L’angle du tube de direction est proche de 72 °; celui du tube de selle, de 74 °, avec un ratio stack/reach de 1.45/1.465 pour les tailles les plus courantes, la longueur des bases est de 410 mm. Le tube horizontal est légèrement plus court, et la douille de direction un peu plus haute.
Source: http://www.lookcycle.com/fr/all/route/velos/765-bike.html
Ce qui caractérise les vélos de cyclosport, c’est: un cadre en carbone alliant une bonne rigidité et du confort, une géométrie permettant une position plus relevée que celle des coureurs, des bases et haubans un peu plus souples, une fourche déterminant une chasse de 60 mm au minimum, des roues alu ou carbone ou carbone/alu à pneus, une selle plutôt confortable, un groupe milieu de gamme, une transmission compacte (50X34) ou mid-compacte (52/36 pour les plus costauds). Dans la catégorie cyclosport, le triple plateaux est devenu rare.
4 – Les vélos de cyclotourisme
Le vélo d’un cyclotouriste – affilié ou non à la FFCT – peut varier de la classique « randonneuse » au vélo orienté cyclosport. Le champ des possibles devient en effet très large. La véritable randonneuse équipée de multiples possibilités d’ajouts de bagages reste destinée aux adeptes des expéditions au long cours, en total autonomie: Diagonales françaises, voyages en Europe ou tour du monde. Dans ce cas, le matériel doit être particulièrement fiable car il s’agit de parcourir de grandes distances à allure modérée, dans les meilleures conditions possibles de confort. Le cadre est la plupart du temps en acier, la géométrie favorise une position redressée du cycliste, le vélo est équipé de roues robustes en alu, de garde-boue, et d’un éclairage. Quant à la transmission, il s’agit d’un triple plateaux avec une cassette facilitant le franchissement des pentes les plus ardues, pour tenir compte aussi du poids de la bicyclette et de son chargement. Enfin, les pédales automatiques sont étudiées pour des chaussures « cycliste » facilitant la marche à pied.
Hormis ces machines très ciblées, le vélo de cyclotourisme est quelque peu différent de celui utilisé en cyclosport au niveau de sa géométrie en premier lieu, de ses périphériques ensuite.
Source: http://www.giant-bicycles.com/fr-fr/bikes/model/defy.advanced.pro.1.compact/18533/76735/
S’agissant de la géométrie, on notera que la position est un peu plus relevée que celle du vélo de cyclosport (douille de direction plus haute, tube horizontal un peu plus court), l’écart de hauteur entre dessus de la selle et dessus du cintre est faible, l’écart entre haut de la douille de direction et dessous de la potence tend à grandir (attention à ne pas aller au-delà de 3 cm d’empilage de bagues), l’angle du tube de direction se situe entre 70 et 72°, celui du tube de selle étant de 73/74°, la chasse excède 60 mm, les bases mesurent au minimum 410 mm. Dès lors, le ration stack/reach est de l’ordre de 1.55 ou un peu plus.
Source: http://www.btwin.com/fr/velo-route/velos-route-competition/18810-btwin-v%C3%A9lo-route-ultra-720-af-noir-bleu.html
Ces vélos sont en aluminium ou en acier; l’offre en carbone s’étoffe également. Mais comme je le dis parfois, mieux vaut un bon alu (n’oublions pas que la qualité des aluminiums constituant les cadres alu d’aujourd’hui correspond à celle des coureurs professionnels d’il y a 10/15 ans) qu’un carbone d’entre de gamme. La géométrie doit favoriser un bon niveau de confort sans trop sacrifier la réactivité du vélo. Les roues sont en alu, avec des pneus confort (et faible usure) de type « all seasons ». Pour la transmission, le cyclotouriste choisit traditionnellement (dans les entrées de gamme supérieures et les moyennes gammes) un triple plateaux avec une cassette pouvant aller jusqu’à 30/32 dents. Mais certains se laissent séduire par les transmissions compactes, 50/34. Et, là également, l’ensemble pédales/chaussures retenu est celui qui permet une marche à pied aisée. Mais dans le monde cyclotouriste, on voit maintenant de plus en plus de pédales automatiques associées à des chaussures dont la semelle accepte les cales « course » classiques (penser aux protège-cales pour marcher sans problème).
5 – Le cyclo-cross
Je ne vais pas m’étendre particulièrement sur cette catégorie de vélos, construits et équipés de manière à être performants sur tous les terrains et spécialement sur les chemins et terrains boueux. On notera cependant que le vélo de cyclo-cross est bâti autour d’un cadre de route compétition au niveau de sa géométrie. Mais c’est surtout le système de freinage qui diffère, ainsi que les roues et les pneus, possibilité de boue oblige. Les vélos de cyclo-cross sont maintenant de plus en plus équipés de freins à disque.
6 – Les Gravel
C’est un nouveau concept de vélo né récemment aux Etats-Unis. En fait, le mot gravel signifie gravier en français. Il s’agit donc de vélos conçus pour évoluer sur tous types de terrains: route goudronnée, mais surtout chemin des campagnes, chemin forestier, sentier, etc … permettant ainsi de mieux découvrir les paysages des régions parcourues. La « clientèle » des vélos gravel est issue du VTC, du VTT, et de la route.
« De loin », le vélo gravel ressemble à un vélo de course route équipé de freins à disque et de gros pneus, avec son double plateaux et son guidon de « course ».
De près, on constatera que la géométrie est conçue pour une position relevée du pratiquant: tube horizontal court et douille de direction haute, bases longues, haubans fins. On peut éventuellement ajouter des garde-boue. Les roues en alu, de fabrication robuste, reçoivent des pneus à large section, de 30 à 35 mm. Les braquets permettent de passer partout, y compris des talus bien relevés.
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Voilà ! Ce tour d’horizon des différentes catégories de vélos est terminé. J’espère, qu’associé à l’article consacré à la géométrie des cadres, il vous permettra de choisir en toute connaissance de cause votre nouveau vélo.
Bon choix et bonne route.
Louis
(article publié le 12 décembre 2015)
7 réactions au sujet de « L’ADN des vélos »
Bonjour Louis,
Je suis tombé par hasard sur votre site en cherchant des infos sur mon futur vélo de route.
Félicitation pour votre blog qui m’a déjà apporté beaucoup de réponses à mes différentes questions.
Sur certains sites de ventes ils parlent de vélo confort : exemple Lapierre Sensium ou Cannondale Synapse : Est ce que ces vélos rentrent dans la catégorie cyclosport ou dans la catégorie cyclotourisme ?
Bonjour,
Prenons le Lapierre Sensium. Il faut déjà savoir que pour 2016, Lapierre propose 5 modèles, dont 1 dame. Ces vélos sont orientés endurance. Du 100 au 500, c’est l’équipement qui fait la différence au niveau des qualités et performances, du poids et donc du prix. Pour shématiser, je dirai que le sensium d’entrée de gamme est plus cyclotourisme. Plus on monte en gamme, plus la personnalisation cyclosport est affirmée.
Chez Cannondale, c’est la même chose; il y a plusieurs modèles qui portent le même nom. Là-aussi, l’équipement fait la différence.
Un conseil préalable: (re)définissez votre pratique actuelle et future sur le court et moyen terme, déterminez votre budget. Ensuite, mettez le curseur « prix » sur les gammes de ces constructeurs (ou d’autres). Cela indiquera 2 vélos par marque. Et choisissez en fonction de vos envies. Un dernier mot: on peut faire avec plaisir du cyclotourisme avec un vélo bien équipé qui sera adapté au cyclosport. A l’inverse, pour une pratique cyclosportive (avec participation à des épreuves correspondantes), choisissez plutôt parmi les 2 plus hauts de gamme de ces produits Sensium ou Synapse.
Encore un conseil: soignez la recherche de votre position « idéale » sur la machine. Et puis, l’aide de votre vélociste sera un plus.
Cordialement,
Louis
Petite question concernant le confort : est-ce qu’une position plus relevé est forcément plus confortable ?
Oui et non. La position relevée soulage le dos et surtout les cervicales. Mais ce qui donne vraiment du confort, c’est une douille de direction moins redressée (angle variant entre 70 et 72 ), un cadre qui absorbe les vibrations de la route, des roues à profil bas, la qualité des pneus et leur section (plutôt 25), voire des chambres à air en latex. On peut également parler de la selle.
Donc plus l’angle du tube de direction est faible et plus le vélo est confortable ?
Mais le confort « postural » d’un vélo n’est il pas quelque chose de subjectif et de personnel ?
Après pour un cadre qui filtre bien les vibrations de la route : plutôt alu ou carbone ?
Je suggère de regarder l’autre article que j’ai écrit sur le sujet:
http://www.velofcourse.fr/velo-materiel/velo-geometrie-cadres/
Pour le reste, c’est l’acier qui reste le plus « confortable ». Mais de nos jours, mieux vaut un alu de grande qualité qu’un carbone d’entrée de gamme. Autrement, c’est le carbone le meilleur, si sa construction vise cette notion de confort.
Vu le degré de développement du produit « vélo de course » de nos jours, la part du subjectif est minoritaire. Une fois qu’on a défini clairement ses besoins en terme de pratique, que l’on tient compte de ses caractéristiques physiques, et que l’on a défini son budget, l’offre du marché est suffisamment large pour que plusieurs machines constituent LA réponse. La discussion avec son vélociste n’en devient que plus facile et constructive.
Quand cherche à comparer cadre alu / cadre carbone, on tombe très souvent sur cette expression toute faite : » Il vaut mieux un bon alu qu’un mauvais carbone ».
Mais concrètement, comment reconnais tu un alu de qualité ou un carbone de mauvaise qualité ?
Exemple concret :
* Canyon Endurace AL 6.0 : Cadre alu + fourche carbone
* Canyon Endurace CF 7.0 : Carbone
Les deux vélos sont équipés exactement de la même façon avec un groupe moyen de gamme (105) et des roues d’entrée de gamme (Aksium).
Le Carbone est plus léger de 400 gr (je pensais que l’écart serait plus important) et plus cher de 500€.
Que va me rapporter concrètement l’effort financier pour passer du premier au deuxième ?
Si je part sur l’alu en investissant la différence de prix dans de nouvelles roues de meilleur qualité, quel sera le résultat obtenu ?