Perte de poids chez le cycliste: trop c’est trop ?
Décidément, chaque début de saison le poids du cycliste constitue une vraie problématique. Tous les ans, au sortir de l’hiver, chaque pratiquant se pose deux questions: combien ai-je de kilos à perdre ? Comment vais-je faire pour les perdre et atteindre mon poids de forme ? Ces questions existentialistes revêtent une importance particulière quand le cycliste – du cyclotouriste au cyclosportif – se fixe des objectifs spécifiques dans sa saison, tels des grimpées de cols, a fortiori des sorties ou des épreuves dans les grands cols. Et, du fait du champ de pesanteur terrestre, nous devons résoudre l’équation « poids/montée ». David Moncoutié assure par exemple que « grimper un col avec un peu de ventre, c’est comme de le monter avec un sac à dos de deux kilos » (source: 20 minutes n° 2635).
A cet égard, j’ai déjà écrit à plusieurs reprises sur mon site qu’avant d’alléger son vélo, il convenait de s’alléger soi-même.
Avant d’aller plus loin, je rappellerais deux articles que j’ai déjà publiés ici: – Vélo: comment perdre du poids ? (23-06-2011) – Poids et condition physique (17-02-2014).
Beaucoup de pratiquants ont donc des difficultés pour perdre leurs kilos superflus et parvenir (et se maintenir) à leur poids de forme. Mais ce qui se fait jour en ce début d’année 2014, c’est une tendance à la maigreur observée chez certains coureurs professionnels.
1 – La course à la maigreur
20 minutes – toujours dans son n° 2635 (26 mars 2014) – cite le cas de Tom Boonen qui a un taux de masse graisseuse (IMG) « comparable à celui d’un malade du sida en fin de vie« , selon le quotidien suisse Le Matin. Ce taux serait de 7%. On rêve ! Enfin, je doute qu’il faille descendre si bas pour être performant.
Le corps humain contient environ 25 à 30 % de graisse pour les femmes, et entre 15 et 20 % pour les hommes. Par suite, on considère qu’une femme en dessous de 25 % est trop maigre, entre 25 et 30 % le résultat est normal, et présente un excès de tissus adipeux au-dessus de 30 %. Chez l’homme, ces 3 catégories sont respectivement: <15%, de 15 à 20 %, >20%.
2 – L’indice de masse grasse
On introduit ainsi une nouvelle mesure qui n’est pas à confondre avec l’indice de masse corporelle (IMC) dont on parle assez régulièrement (cf mes articles précités).
De quoi s’agit-il ?
L’indice de masse grasse (IMG) permet d’estimer la proportion de tissus adipeux d’un(e) adulde. Cet indice est exprimé en %.
La formule de Deurenberg (qui n’est pas utilisable pour les jeunes de moins de 15 ans et les personnes de plus de 50 ans) tient compte de l’indice de masse corporelle (IMC), de l’âge de la personne et du sexe:
IMG = (1.2 x IMC) + (0.23 x âge) – (10.80 x sexe) – 5.4
Femme: 0 ; Homme: 1 (source des indications sur l’IMG: Wikipédia, article « Indice de masse grasse »)
A titre d’exemple, j’ai pris le cas d’un coureur (virtuel) âgé de 25 ans, mesurant 1.80 m. et pesant 65 kilos. Son IMC est de 20,25. Sa corpulence est considérée comme normale (tranche de 18,5 à 25). En appliquant la formule ci-dessus, son IMG atteint 13.85 %. En se basant sur les 3 catégories citées dans Wikipédia, ce coureur est considéré comme étant trop maigre. Alors, que dire des 7 % de Tom Boonen ! On se perd en conjecture.
Poursuivant mes recherches, j’ai retrouvé une position exprimée par Frédéric Grappe (http://fredericgrappe.com/), coach performance à la FDJ. A un internaute qui lui demande où les coureurs « puisent leur énergie lipidique avec des réserves aussi basses dans le tissu adipeux« , F.Grappe confirme qu’en pleine saison ces athlètes de haut niveau ont effectivement un IMG à 7 ou 8%, voire moins. Il estime que « même avec 6% de masse grasse, le cycliste a des réserves de graisse largement suffisantes pour réaliser des efforts à intensité moyenne sur des durées largement supérieures à 6h« .
3 – Les limites de la maigreur
F.Grappe tempère son propos en indiquant que des coureurs trop affûtés peuvent rencontrer de sérieux problèmes pendant l’effort et la récupération « car une perte de poids trop importante peut affaiblir l’organisme » (risque d’atteinte de l’équilibre immunitaire). Il conclut en indiquant que tout est d’affaire de compromis pour atteindre le poids de forme, l’IMG étant propre à chaque individu.
Par ailleurs, qui dit maigreur excessive dirait suspicion de dopage. Souvenons-nous du Danois Michael Rasmussen, surnommé « chicken legs« , qui a reconnu a posteriori s’être dopé de 1998 à 2010. Certes, il ne faut pas faire de conclusions hâtives devant chaque coureur particulièrement affûté. F.Grappe a pu analyser (avec l’accord de la SKY) les données de Christopher Froome sur la base du Profil de Puissance Personnalisé (PPP) qu’il a théorisé depuis plusieurs années au sein de la FDJ. Il concluait que les performances de Froome sont « cohérentes ».
Ne voulant pas m’engager dans le cadre de cet article sur la question récurrente du dopage, j’en resterais là.
4 – A chacun son poids de forme
Dans l’article précité de 20 minutes, F.Grappe indique que les coureurs « étaient beaucoup plus affûtés dans les années Bernard Hinault ». Et de conclure qu’il faut aussi éduquer les coureurs en leur donnant des cours de cuisine, car « c’est surtout la prise de poids qui pose problème« .
Comment conclure un article qui voulait tout simplement dénoncer les excès de perte de poids, au motif que moins on pèse lourd mieux on grimpera les cols ? Je vais donc laisser le cas des compétiteurs de haut niveau de côté, et m’en tenir aux préoccupations des cyclosportifs et cyclotouristes. Le plus simple est donc, selon moi, de s’en tenir à quelques régles de base et de faire preuve de bon sens, tout en écoutant son corps. Je renouvelle ainsi mes propos du paragraphe 3 – Retour de la condition physique et poids, de l’article général « Poids et condition physique » du 17 février 2014. Et de citer à nouveau Christian Vaast, pour qui le poids de forme est le « poids pour lequel tout fonctionne mieux ».
Un conseil en conclusion: calculer votre IMC et votre IMG (si vous êtes dans la tranche 15-50 ans), oubliez les résultats obtenus, et poursuivez judicieusement votre entraînement jusqu’à ce que vous vous sentiez bien (notion de bonnes sensations et performance).
Louis
(publié le 10 avril 2014)
4 réactions au sujet de « Perte de poids chez le cycliste: trop c’est trop ? »
Oui , lors du dernier tour de France j’ai trouvé que des coureurs avaient spectaculairement maigri et étaient en dessous de leur poids de forme…pour
christopher Froome sans m’engager ds la polemique, la derniere molecule a la mode pour le dopage entrainerait de grosses pertes de poids…..quoiqu’il en soit pour nous cyclistes de loisirs l’alimentation si elle doit être équilibrée pour maintenir notre forme ne doit en aucun cas atteindre l’indice de la maigreur.
Bonjour,
Depuis quelque temps, j’ai plus ou moins le projet de rédiger un article sur le dopage, non pas à partir des cas nominatifs cités dans les médias, mais sur le plan réglementaire et (un peu) philosophique. Mais l’exercice est ardu; ça demande du temps et de la réflexion, en plus des recherches. Cela viendra peut-être …
Cordialement,
Louis
Bonjour Louis
merci pour ces articles toujours très intéressants, surtout en début de saison quand il faut s’y remettre sérieusement…Comment concilier le fait de galérer au dessus de 6%, quand en fin de saison dernière on faisait du 9% de moyenne sans problème et renoncer à la moindre sucrerie ou petit apéro avec les copains de temps en temps. C’est trop dur, mais j’y arriverai car malgré mes 65 ans j’ai encore beaucoup à faire sur un vélo!
Cordialement,
Cet article m’a vraiment surprise, je ne savais pas que les coureur cycliste devait être sous les 6% c’est vraiment incroyable, c’est un tel sacrifice mais comment font-ils ?